Résignation et négation de la volonté
La « valeur de la vie » consiste en ce qu’ « elle nous apprend à ne pas la vouloir » (Parerga). La résignation est « l’autodépassement de la volonté » (Le monde). Autre expression de la même idée : « négation de la volonté de vivre », « sainteté » ou « conscience supérieure ». Il s’agit chaque fois de la transformation du vouloir en non-vouloir, de l’extinction, liée à la mort, du moi et de l’égoïsme : le nirvana des bouddhistes.
La résignation conduit à la vraie sérénité, à l’abolition totale de la volonté. « D’un pareil homme, qui après d’âpres luttes avec sa nature propre l’a enfin surmontée, ne subsiste plus qu’un être purement connaissant, un miroir limpide du monde. Plus rien ne peut lui faire peur ni l’émouvoir, car les mille fils de la volonté qui nous lient au monde, et sous forme de désirs, de crainte, d’envie, de colère nous tire à hue et à dia dans de constantes souffrances, il les a coupés. Il sourit quand il revoit ces simulacres qui ont pu jadis tant l’émouvoir et le faire souffrir et lui sont devenus à présent aussi indifférents que les pièces du jeu d’échec après la fin d’une partie ou que les déguisements remisés le matin après la nuit de carnaval où ils étaient si effrayants. La vie et ses apparitions ne sont que des formes flottantes et fugitives, comme ces rêves légers du matin, qu’on fait dans un demi-sommeil déjà entrouvert sur la réalité et sans retour possible à l’illusion : ainsi s’évanouissent-elles, doucement et sans à-coup. (Le monde). [Volker Spierling, Arthur Schopenhauer, Un Abécédaire, éd. du Rocher, 2004]