Comment lire Schopenhauer
Dans la préface du Monde, Schopenhauer donne quelques indications qui permettent au lecteur d’accéder à son œuvre. Mais ces indications risquent de décourager les lecteurs non familiers de la philosophie. Le philosophe demande aux lecteurs de lire d’abord La Critique de la raison pure de Kant, un ouvrage difficile d’accès ou encore La quadruple Racine du principe de raison suffisante, la thèse de doctorat du philosophe qui pourrait être lue comme une introduction à sa philosophie.
En outre, il est nécessaire de lire deux fois son ouvrage pour qu'il puisse être compris. Il n'est pas non plus permis de négliger une seule ligne de ce qu'il a écrit. Avec l'humour féroce de l'intransigeant, il écrit : « Voilà un lecteur qui est arrivé à la fin d’une préface, pour y trouver le conseil ci-dessus : il n’en a pas moins dépensé son bel argent blanc ; comment pourra-t-il rentrer dans ses frais ? — Je n’ai plus qu’un moyen de m’en tirer : je lui rappellerai qu’il y a bien des moyens d’utiliser un livre en dehors de celui qui consiste à le lire. Celui-ci pourra, à l’instar de beaucoup d’autres, servir à remplir un vide dans sa bibliothèque : proprement relié, il y fera bonne figure. Ou bien, s’il a quelque amie éclairée, il pourra le déposer sur sa table à ouvrage ou sur sa table à thé. Ou bien enfin, — ce qui vaudrait mieux que tout et ce que je lui recommande tout particulièrement, — il pourra en faire un compte-rendu critique. » (Le monde, préface de la première édition)
« On peut très bien accéder à la philosophie de Schopenhauer en choisissant comme une première entrée possible dans l'œuvre quatre chapitres importants, d'une lecture relativement aisée et formant un tout en eux-mêmes, dans les Suppléments de l'œuvre principale : le chapitre I (Le point de vue idéaliste) — est une bonne introduction à la complexe théorie de la connaissance de Schopenhauer. Le chapitre VII (Des rapports de la connaissance intuitive et de la connaissance abstraite) — montre, à partir de l'analyse critique de la connaissance, l'ancrage de la philosophie de Schopenhauer dans l'intuition. Le chapitre XVII (Sur le besoin métaphysique de l'humanité) — est un exposé fondamental pour la compréhension méthodique de la métaphysique de Schopenhauer et aussi pour les différences qui le séparent de Kant. Le chapitre XIX (Du primat de la volonté dans la conscience de nous-mêmes) — thématise le renversement des valeurs qu’opère Schopenhauer par rapport à l’interprétation traditionnelle de volonté et intellect. » Volker Spierling, Arthur Schopenhauer, un Abécédaire (éd. du Rocher, 2003).